Fusion Renault/Fiat-Chrysler Automobile ?

Communiqué de presse
04/06/2019

La CGT s’oppose à cette opération purement financière contraire à une nécessaire stratégie industrielle pour Renault.

Lors du conseil d’administration qui se tient ce 4 juin 2019, l’administrateur salarié de la CGT affi rme son opposition et celle de son organisation syndicale à ce projet qui ne réjouit que les plus gros actionnaires, à commencer par la famille Agnelli qui détient 29,98% de FCA.

Depuis que ce projet de fusion a été annoncé par la presse, nombreux sont ceux à exprimer un risque majeur pour Renault et ses salariés. Pour qui connaît le secteur automobile, ce projet est totalement indéfendable et déséquilibré en défaveur de Renault, de son ingénierie, de son outil industriel et in fi ne de ses salariés. Même des anciens dirigeants de Renault, M. Carlos Tavares et Patrick Pelata, soulignent les seuls intérêts pour les actionnaires de FCA, encore plus voraces que ceux qu’ils ont représentés chez Renault.

FCA est malade et cette fusion risque de contaminer encore plus Renault et remettre aussi en cause l’Alliance, comme l’a exprimé le 3 juin M. Saikawa, le président de Nissan : « Il faudra revoir fondamentalement la relation unissant Renault à Nissan en cas de fusion avec Fiat Chrysler (FCA)... ».

Avec 7,5% du capital, l’Etat français laisserait la famille Agnelli décider du sort de Renault et d’une grosse partie de l’industrie française, et ce ne sont pas « les promesses » demandées par le Ministre Le Maire à FCA qui pourront garantir quoique ce soit... L’engagement de ne pas fermer d’usine ne garantit ni le maintien de l’emploi ni les volumes ! Nous avons dans ce domaine de l’expérience chez Renault, avec les accords de compétitivité ! Quant à la nomination de M. Senard comme directeur général des deux entreprises et membre du conseil d’administration, elle ne constitue aucune garantie, si ce n’est d’obtenir pour lui, une rémunération à la hauteur des services qu’il aurait ainsi rendu à la famille Agnelli !

Déclaration de M. Richard Gentil, administrateur salarié CGT, au conseil d’Administration de Renault du 4 juin 2019

Il est utile de rappeler que c’est d’abord la presse qui a informé les administrateurs salariés et les organisations syndicales des discussions entre Renault et FCA sur une possible fusion des deux groupes à 50/50. Les représentants du personnel ne disposent d’aucun élément sur les tenants et aboutissants et à aucun moment, ils n’ont été sollicités pour connaître leur avis sur le sujet. Pourtant concernés en premier lieu, les salariés sont donc totalement écartés et ignorés. L’offre adressée par FCA à Renault est présentée comme « une fusion entre égaux » qui est fondamentalement contestable et nuisible à Renault, à son ingénierie, à son outil industriel et in fi ne à ses salariés. La CGT a déjà exprimé « l’opportunité » d’un tel projet pour les seuls actionnaires, et notamment la famille Agnelli, actionnaire majoritaire de FCA. Depuis, cette hypothétique fusion a fait l’objet de nombreuses critiques et questionnements quant « à l’équilibre affi ché » et à la fi nalité recherchée par un tel montage.

• Ainsi, le journal Le Monde rapporte les termes d’un mémo de Carlos Tavares adressé aux hauts cadres de PSA qui évoque ce projet comme « une prise de contrôle virtuelle par les Agnelli ».
• Dans une interview sur Europe 1 du 27 mai dernier, l’ancien directeur général délégué de Renault, Patrick Peleta, va encore beaucoup plus loin. Il affi rme que « cette fusion présente un gros intérêt pour FCA... Renault viendrait pallier les défi ciences de FCA... ». A la question du journaliste sur ce qu’il ferait
s’il était encore chez Renault, il répond sans détour : « je ne soutiendrais pas cette opération...

Un projet de fusion déséquilibré au profi t de la famille Agnelli et de FCA

L’égalité revendiquée par FCA sur la valeur boursière des deux entreprises n’est pas défendable et celle de Renault largement sous-estimée comme l’ont exprimé de nombreux commentateurs comme Proxinvest et CIAM.
FCA a une dépense en R&D très faible avec 2,8% du chiffre d’affaires. Renault était à 4,6% en 2017 et 5,5% en 2018 et cela reste encore insuffi sant. FCA ne dispose pas de plateforme électrique et sur le véhicule autonome, Chrysler a conclu un accord avec Google qui reste propriétaire du système de navigation.
L’actionnaire majeur de Fiat, la famille Agnelli, a pris ce qu’il y avait de plus profi table chez Chrysler, les marques Jeep et Ram. Depuis, la marque Chrysler est en train de s’effondrer. Et les marques italiennes ont largement baissé. Fiat a beaucoup reculé, Lancia a presque disparu et Maserati plafonne à 35 000 voitures. Alfa Romeo, c’est 120 000 voitures en 2018 mais en forte chute.
Les usines italiennes ont connu un sous-investissement chronique et tournent à moins de 50% de leur capacité, sans projet majeur à court et long terme. FCA pourra donc diffi cilement donner du travail à Renault, à défaut d’en avoir suffi samment pour ses propres usines.
Les synergies annoncées dans un temps court sont, elles aussi, contestables :

o Il a fallu 18 ans à l’Alliance Renault Nissan pour égaler les montants annoncés dans le cadre de cette fusion avec FCA
o Des synergies sont possibles lorsque les parties en présence disposent d’usines sur les mêmes marchés et avec une gamme de véhicules comparables. Or FCA est focalisé essentiellement aux Etats-Unis et un peu en Europe. Et d’autre part, quelle synergie pourrait-on trouver entre des véhicules comme les Jeep ou Ram (6 litres de cylindrée) et les véhicules de la gamme Renault ?
o Il y a le Véhicule Utilitaire mais FCA travaille avec PSA. Cela risque d’être compliqué pour imaginer des synergies possibles dans ces conditions.

Un projet de fusion qui va éclater l’Alliance

Les relations avec Nissan sont compliquées et l’ajout d’un 3ème partenaire va encore les complexifi er au risque de remettre en cause l’Alliance... Les déclarations d’hier de M. Sakawa sont sans ambiguïté : « il faudra revoir fondamentalement la relation unissant Renault à Nissan en cas de fusion avec Fiat Chrysler (FCA)... ». Et selon Les Echos de ce jour, Nissan réfl échit à 2 fois car « il y a des zones où nous sommes concurrents … Il y a des centaines d’accords et de développements en cours, qui ont tous pris du temps à être négociés (avec Renault). Mais la société Renault est appelée à disparaître dans l’opération ». Avec comme on le sait, le paiement de royalties à Nissan qu’impose la propriété intellectuelle des composants communs pour toute nouvelle application hors du champ de Renault.

Une absorption de Renault, de ses technologies et de sa rentabilité par la famille Agnelli

C’est incontestable, dans cette fusion FCA recherche la technologie qu’il n’a pas. Constitué en 2014 c’est un groupe qui s’est fi nanciarisé encore beaucoup plus que d’autres entreprises (dont Renault) au détriment de sa stratégie, de la gestion de ses marques, de la R&D, du renouvellement de ses produits. Plusieurs modèles n’ont pas été sortis et des usines ont été fermées. Ce qui explique l’effondrement des marques Fiat, Chrysler et Dodge...
Les actionnaires de FCA, et notamment la famille Agnelli, sont connus pour leur rapacité, leur obsession de la profi tabilité y compris en rayant de la carte les usines avec les emplois associés.
Dans ce projet de fusion, et sous prétexte d’atténuer la disparité de valeur en Bourse des deux groupes, les actionnaires de FCA recevraient un dividende de 2,5 milliards d’euros, après avoir reçu la semaine dernière 2 milliards d’euros issus de la vente de Magneti-Marelli. Au titre de l’exercice 2018, les actionnaires de FCA percevront 1 milliard de dividende. Et il semble que les actionnaires de Renault pourraient eux aussi voir leurs actions revalorisées pour « compenser un potentiel déséquilibre de valorisation ».

Renault et ses salariés n’ont rien à attendre d’une telle fusion qui accentuerait encore l’exigence de rentabilité avec à terme, la possible disparition de Renault.
Renault a besoin de dirigeants soucieux d’une réelle stratégie industrielle au long cours, en investissant dans son ingénierie, dans son outil industriel avec des embauches adéquates. Renault doit se réapproprier ses métiers, renouer avec sa capacité d’innovation, et offrir des véhicules populaires de qualité, conformes au pouvoir d’achat des clients et respectant l’environnement.
Quel renouvellement de gamme pour Renault et que va-t-on produire dans nos usines françaises ? Voilà les questions auxquelles la direction de Renault doit répondre et auxquelles les dirigeants de Renault doivent s’attacher !
Raisons pour lesquelles, je suis, comme mon organisation syndicale, farouchement opposé à ce projet de fusion et opposé à engager une négociation en ce sens.


Communique CGT du 04 juin 2019 Communique CGT du 04 juin 2019