Quelles réalités se cachent derrière le projet de fusion FCA-Renault ?

Communiqué de presse
28/05/2019

Le dimanche 26 mai, la presse a révélé une proposition de fusion entre FCA et Renault Groupe. L’offre émane de FCA, et propose la création d’une holding détenue à 50/50 par les deux entités. FCA avance de nombreux arguments industriels :
• Devenir en termes de volumes le troisième constructeur mondial, et le premier en comptant l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi (15 millions de véhicules, soit 1 véhicule sur 6 vendus) ;
• Occuper des places fortes sur les grands espaces géographiques (Europe, Amérique du Nord, Amérique Latine et Asie de l’Est) ;
• Réaliser 5 milliards de synergies par an ;
• Être capable de réaliser les investissements nécessaires aux défis futurs (électrification, usine du futur, véhicule autonome…).

Cependant, il faut bien voir derrière ces promesses la réalité actuelle d’une telle fusion pour le groupe Renault :
• En termes d’actionnariat, la famille Agnelli (Exor NV), en plus d’empocher une certaine somme d’argent dès la fusion, deviendrait l’actionnaire majoritaire du groupe (près de 15% des actions de la holding), alors qu’aucun actionnaire majoritaire de Renault ne dépasserait 10%. L’état français ne représenterait plus que 7,5% du capital sans minorité de blocage. Il ne s’agit pas d’une fusion mais bien d’un rachat !
• Les volumes de FCA (ainsi que ses marges), certes plus importants que Renault Groupe, s’effectuent principalement sur le marché américain : FCA n’est plus un constructeur italien, mais bien américain. Renault Groupe bénéficiera-t-il de ces marges où resteront-elles pour les marques américaines de Chrysler ?
• Sur les places fortes de Chrysler, Nissan et Mitsubishi sont aussi relativement bien implantés (Amérique du Nord, Latine, et surtout Asie). Or, cette fusion porte le risque d’une rupture (ou d’un ralentissement) de l’Alliance, car quoiqu’il arrive, l’énergie et les ressources qui seront déployées pour structurer cette nouvelle entreprise ne pourront pas être utilisées pour consolider l’Alliance. Perdre Nissan sur ces marchés pour récupérer Chrysler, est-ce vraiment une bonne option ?
• Sur la question des synergies, il faut d’abord savoir que le rythme de 5 milliards par an ne peut absolument pas s’effectuer en un an. Il a fallu 18 ans pour que l’alliance Renault-Nissan atteigne ce rythme !
• En termes de gamme, pour le coeur de compétence de Renault (marché européen), FCA pourrait apporter en effet les deux éléments manquants à la gamme de Renault : le haut de gamme (Alpha Roméo et Maserati) et les 4x4 (Jeep). Mais la famille Agnelli sera-t-elle prête à reverser une partie des bénéfices de ces joyaux au profit d’investissement pour Renault ?
• Concernant les investissements, FCA est à la peine sur l’ensemble des défis futurs. Il pourrait bien manquer de cash s'il doit s'acquitter des très lourdes sanctions pécuniaires qui l'attendent en vertu des objectifs de CO2 de 2020. Le groupe Fiat est en grandes difficultés industrielles et souffre d’une handicapante panne stratégique. L’électrification des gammes est encore au niveau 0, et ses sites de production en Europe ont subit un sous-investissement chronique. La capacité d’investissement en Europe risque alors de servir exclusivement les sites de production FCA, tout en bénéficiant des technologies de Renault sur l’électrique ou encore sur l’usine du futur, pour lesquels des investissements ont déjà été réalisés.
On le voit, ce projet de fusion bénéficiera exclusivement à FCA : en plus de réaliser une belle opération financière, FCA bénéficierait des technologies que Renault a développées, comme l’électrique ou encore le PHEV avec Mitsubishi.
Mais le plus gros risque d’une telle fusion serait alors de déclarer la guerre à Nissan-Mitsubishi. Parce qu’elle n’est pas basée sur un mode de coopération mais d’économie d’échelle, l’Alliance a déjà coûté cher à Renault en termes humain et productif pour les sites en France (ingénierie comprise). Le projet de fusion Renault-FCA ne peut qu’alourdir la facture pour les salariés de Renault.
La CGT considère qu’il n’y a rien de bon à attendre d’une fusion Renault FCA, tout comme d’une fusion Renault Nissan. La CGT considère que c’est le contenu de l’Alliance Renault-Nissan qui devrait être revisité dans la perspective de coopération et d’une complémentarité de leurs activités.
La direction générale doit revenir aux fondamentaux de Renault pour redevenir un constructeur automobile généraliste innovant, soucieux de son image et de la qualité de ses véhicules. Un constructeur automobile créateur et fabriquant de véhicules populaires soucieux des enjeux environnement et du pouvoir d’achat des clients.
L’Etat doit soutenir l’investissement de Renault dans son outil industriel, dans son ingénierie, pour des embauches à la hauteur des besoins et finalement revenir à une politique industrielle française qui bénéficie à l’ensemble de la filière automobile.
Renault doit se donner les moyens de ses ambitions, avec des délais de développement et de fabrication suffisant pour développer ses ventes en Europe comme à l’international. Et dans cette perspective, des coopérations avec d’autres constructeurs peuvent se nouer sans prise de participation capitalistique.


Communique CGT du 28 mai 2019 Communique CGT du 28 mai 2019